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Avis de l'ARCEP sur les exclusivités d'accès aux contenus TV par les fournisseurs internet

Avis de l'ARCEP sur les exclusivités d'accès aux contenus TV par les fournisseurs internet
Par Redac - publié le 07/07/2009 à 00h00

L'Autorité de la concurrence exprime sa position au sujet des exclusivités d'accès aux contenus TV par les Fournisseurs internet dans un communiqué de presse du 7 juillet 2009, les points suivants y sont abordés :

- L'exclusivité d'accès doit rester une solution exceptionnelle, strictement limitée dans sa durée et dans son champ.

- L'auto-distribution apparaît comme une solution d'équilibre satisfaisante, à l'avantage des acteurs de la chaîne de valeur et des consommateurs.

- La régulation du marché de gros des chaînes payantes reste un complément indispensable.

Saisie en janvier 2009 par la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi sur les relations d'exclusivité entre activités d'opérateurs de communication électroniques et de distribution de contenus et de services, l'Autorité de la concurrence rend aujourd'hui son avis et le publie sur son site internet www.autoritedelaconcurrence.fr.

Comme le prévoyait le plan gouvernemental « France Numérique 2012 », la ministre interrogeait l'Autorité sur la compatibilité avec les règles de concurrence des exclusivités d'accès par lesquelles certains FAI réservent à leurs abonnés des contenus très attractifs. Elle l'invitait également à formuler un avis portant notamment sur l'opportunité d'un cadre juridique spécifique, destiné à prévenir les risques de telles exclusivités.

La double exclusivité : une question nouvelle

Les exclusivités sont fréquentes dans le secteur de la télévision payante. Mais celles mises en place par Orange à la suite de l'acquisition de contenus premium du type sport ou cinéma sont présentées comme un modèle nouveau, appelé à se généraliser à d'autres contenus et à s'étendre à d'autres supports – ADSL aujourd'hui, fibre optique demain.

Ce modèle est celui de la double exclusivité : exclusivité de distribution, donnant lieu à un abonnement au service télévisuel lui-même et exclusivité de transport et d'accès, qui impose, pour accéder aux contenus, d'acquitter un abonnement à l'offre triple-play du fournisseur d'accès internet.

Ce sont les opportunités et les risques nés de ce modèle récent qu'examine l'Autorité dans son avis : ouverture possible du marché de la télévision payante, qui apparaît souhaitable ; fermeture probable du marché du haut et du très haut débit, qui se révèle très préoccupante - surtout si un tel modèle est imité par d'autres opérateurs et se généralise, dans la perspective du déploiement de la fibre optique.

La situation actuelle du secteur de la télévision payante rend souhaitable l'entrée de nouveaux acteurs sur ce marché.

La plupart des fournisseurs d'accès Internet ne sont pas en mesure de constituer des bouquets attractifs, principalement du fait des exclusivités de distribution dont dispose Canal+ et sont souvent cantonnés à un rôle de simple transporteur, en permettant à leurs clients de souscrire directement aux offres de Canal+ France sur l'ADSL.

Un nouvel entrant sur le marché de la télévision payante se heurte à plusieurs difficultés pour acquérir les droits de nouvelles chaînes : le marché manque de transparence sur les dates auxquelles expirent les exclusivités ; le coût d'entrée peut être important puisque les détenteurs des droits lui demanderont de compenser la perte de rémunération qu'entraîne une distribution non exclusive.

Aussi, l'Autorité de la concurrence considère que toutes les incitations qui peuvent favoriser l'entrée de nouveaux acteurs sur le marché de la télévision payante ont a priori un effet positif, notamment pour les consommateurs qui peuvent en attendre une baisse des prix, un accroissement de la diversité des contenus proposés ainsi que l'accès à de nouvelles offres intermédiaires, plus accessibles en terme de prix que les offres premium haut de gamme de Canal + aujourd'hui proposées.

Mais l'Autorité de la concurrence estime que la réponse doit être recherchée ailleurs que dans le modèle économique – contestable – de la double exclusivité revendiquée par Orange et cela pour trois raisons :

-d'abord parce qu'il existe d'autres propositions pour favoriser l'incitation à investir dans les contenus, moins dommageables pour la concurrence,

-ensuite parce que la bonne réponse à une insuffisance de compétition en amont n'est pas d'encourager une stratégie qui peut avoir pour effet potentiel le verrouillage de la concurrence en aval,

- enfin et surtout parce que l'imitation et la généralisation du modèle de la double exclusivité comportent des risques sérieux pour l'intensité de la concurrence et la liberté des consommateurs sur les marchés du haut débit et –demain- du très haut débit

La double exclusivité entraîne en effet une restriction du choix du consommateur, qui ne peut plus avoir accès à tous les contenus attractifs, ou est obligé de payer beaucoup plus cher pour avoir un accès universel aux contenus.

Au delà du cas de la seule chaîne Orange Sport – qui n'est pas l'objet de l'avis -, on peut à terme redouter, si le modèle économique de la double exclusivité s'étendait à d'autres contenus attractifs ou était repris par d'autres opérateurs, un enfermement du consommateur au sein d'un « écosystème fermé ». Le consommateur resterait alors chez un opérateur télécoms uniquement ou principalement pour les contenus que celui-ci a acquis à titre exclusif.

Par ailleurs, en faisant l'acquisition de contenus premium et en les réservant à ses seuls abonnés Internet, la stratégie d'Orange comporte aussi le risque de déstabiliser le marché du haut débit au détriment des opérateurs concurrents. Si cette stratégie n'a pas eu pour l'instant pour effet concret de reprendre des abonnés à ses concurrents, elle a du moins pour objectif de fidéliser ses propres abonnés puisqu'ils ne peuvent plus faire jouer la concurrence des autres fournisseurs d'accès Internet sans perdre les contenus auxquels ils sont attachés.

Si le modèle économique de double exclusivité se généralisait, il pourrait conduire à terme à un duopole tant sur le marché de la télévision payante que sur le marché du haut débit. Les opérateurs télécoms ne souhaitant pas, ou n'ayant pas les moyens, de s'intégrer verticalement ne pourraient se maintenir sur le marché du haut débit. Le risque serait alors grand que se constitue un duopole où se feraient face, en quelque sorte « en silo », deux opérateurs intégrés Canal+/SFR, après la fin des engagements souscrits lors des récentes fusions, d'un côté, et Orange de l'autre.

La position de l'Autorité de la concurrence:

1) L'exclusivité d'accès doit rester une solution exceptionnelle, strictement limitée dans sa durée et dans son champ.S'il est nécessaire de maintenir, pour les opérateurs télécoms, les incitations à investir dans les contenus et à développer des services associés et interactifs, il apparaît à l'Autorité souhaitable de limiter la durée d'exclusivité à un ou deux ans et d'en restreindre le champ aux véritables innovations de nature technique (services interactifs associés aux flux linéaires) ou commerciales (programmes innovants en linéaire venant enrichir la gamme des offres intermédiaires) pour lesquelles il y a lieu de faciliter l'apprentissage par les abonnés ou de tester le marché.

2) L'auto-distribution est une solution d'équilibre satisfaisante.A la fin de l'éventuelle exclusivité d'accès, il semble compréhensible que le FAI ne souhaite pas rendre disponibles ses chaînes sur le marché de gros, et les voir intégrées aux bouquets propriétaires des autres fournisseurs d'accès. Les incitations à investir dans les contenus seraient alors trop faibles pour un acteur non dominant de la télévision payante, puisque les autres distributeurs pourraient, sans prendre de risque industriel, intégrer directement les chaînes dans leurs bouquets propriétaires. L'auto-distribution permettrait en revanche à un FAI comme Orange de maîtriser la relation commerciale avec l'abonné et de développer son parc potentiel d'abonnés pour la diffusion la plus large, et donc la plus rentable, des chaînes. Pour les consommateurs, cette solution leur permettrait d'avoir accès à tous les contenus les plus attractifs sans être enfermés chez un fournisseur d'accès Internet.

3) La régulation du marché de gros des chaînes payantes reste un complément indispensable.Un partage inéquitable de la valeur entre distributeurs de contenus et opérateurs de réseaux peut nuire à l'investissement, qui est nécessaire pour développer des services interactifs et déployer la fibre optique. Or cette question ne trouvera une solution satisfaisante sur le long terme qu'en développant la concurrence sur les marchés de la TV payante et non en limitant la fluidité des marchés du haut débit et du très haut débit. C'est pourquoi l'Autorité de la concurrence souhaite qu'advienne rapidement une évolution sensible des conditions actuelles de fonctionnement du marché de gros des chaînes payantes, en complément des limitations strictes qui doivent être imposées au modèle de la double exclusivité revendiqué par Orange.

Conclusion

L'Autorité de la concurrence considère qu'il est temps de fixer des règles du jeu claires pour, d'une part, définir les conditions très strictes de durée – un ou deux ans maximum – pendant laquelle pourrait être tolérée une exclusivité d'accès réservée à des services innovants et, d'autre part, pour permettre une ouverture suffisante du marché de gros des chaînes payantes, notamment dans le domaine du sport et du cinéma, qui exigerait la régulation des montants et du champ des clauses d'exclusivité du distributeur dominant ainsi que la pérennisation et l'extension des engagements qu'il a souscrits.

La clarté des règles du jeu est un élément essentiel pour favoriser le dynamisme des différents acteurs, et donc l'investissement et l'innovation, à la fois dans le secteur de la télévision payante et dans celui des télécoms.

Certes, ces règles peuvent êtres imposées au cas par cas, au travers des décisions contentieuses que l'Autorité de la concurrence sera conduite à prendre sur les différentes plaintes dont elle est saisie. Mais leur définition prendra du temps, ne vaudra que pour les pratiques examinées – sans pouvoir fournir un cadre plus général et plus prévisible – et donnera lieu à des contestations incessantes.

Une telle incertitude n'est bonne pour personne. Il est temps d'envisager une « sortie par le haut », qui ne peut dépendre uniquement des jugements des tribunaux saisis ou des décisions de l'autorité de concurrence, qui ne pourront jamais garantir – pas plus que celles, complémentaires, des régulateurs sectoriels – la même sécurité juridique que la norme écrite.

Au moment où s'engage le déploiement massif de la fibre optique et donc du très haut débit, qui engendrera lui-même de nouveaux usages, un signal fort du législateur est nécessaire.

(1) Un distributeur peut se réserver l'exclusivité de certaines chaînes. Cela ne s'oppose pas à ce qu'il distribue son offre sur le plus grand nombre possible de plates-formes : satellite, télévision par ADSL, réseaux FTTx. Le distributeur du bouquet conserve alors la relation commerciale avec l'abonné, et l'on parle alors d'auto-distribution. 

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